« La France N’est Plus La France » : L’obsession Française De L’oppression
L’islamophobie n’est pas un nouveau phénomène. Au cours des dernières années, la France a manipulé la notion de laïcité pour imposer une conception unidimensionnelle de l’identité française : une qui ne parvient pas à inclure les femmes musulmanes, souvent dépeintes comme opprimées et impuissantes. À l’occasion des élections présidentielles, les politiciens utilisent l’islamophobie et « la lutte contre l’extrémisme » pour gagner le soutien du public. Cet état d’esprit illustre parfaitement l’islamophobie irrationnelle présente en France, n’ayant pour but que la marginalisation des musulmans dans la société française.
POLITIQUES FRANÇAISES ET DISCOURS ANTI-ISLAM
« La France n’est plus la France ». Un article récent du journal Le Monde révèle l’étendue amère de l’islamophobie en France. En effet, cet article suggère l’idée selon laquelle l’immigration et l’islam sont les maux principaux de la société française et qu’il y’a un gouffre irréconciliable entre l’identité musulmane et l’identité française.
Évidemment, soyons clair. De telles idées ne sont pas représentatives de l’ensemble des Français. Tous les Français ne sont pas non plus islamophobes. Certainement pas. Prétendre que ceci est le cas est non seulement fondamentalement erroné, mais également toute aussi hypocrite que l’hypocrisie que je critique dans cet article. Cela dit, l’islamophobie reste bel et bien une réalité profondément ancrée. Il y a suffisamment d’individus qui pensent que l’islam est un fléau social pour fournir une tribune assez ample aux politiciens qui veulent offenser, marginaliser et tenter de supprimer la religion et ses adeptes. Étant donné que plus de 60% des Français ont l’impression qu’ils ne se sentent plus comme chez eux, que leur pays est en déclin et qu’il accueille trop d’immigrants, adopter une rhétorique anti-islamiste offre une chance de succès politique aux élections présidentielles.
Des candidats d’extrême droite comme Marine Le Pen et Eric Zemmour tirent profit de l’islamophobie et l’utilisent comme un moyen de gagner plus de voix. La stratégie d’Emmanuel Macron est remarquablement semblable. Dans une tentative désespérée d’attirer des électeurs d’extrême droite vers son parti centriste, Macron adopte des lois qui marginalisent les 5,4 millions de musulmans dans le pays tout en se cachant derrière le prétexte de « combattre l’extrémisme ».
Pour illustrer la situation, il suffit de considérer la tentative insultante de la France de transformer l’islam à la française, ou le vote récent du Sénat français en faveur de l’interdiction du port du hijab dans les compétitions sportives. La raison ? Le prétexte ridicule selon lequel le foulard est dangereux pour les sportives qui le portent. Certes, ne nous méprenons pas, un tel niveau de danger extrême n’est perçu que lorsque les cheveux sont couverts par le hijab. Curieusement, les casquettes et les sweats à capuches ne semblent pas avoir le même effet « menaçant » bien qu’ils couvrent les mêmes zones du corps.
Certainement, ces tactiques politiques ne sont guère nouvelles. L’« oppression » prétendue de l’islam et son incompatibilité avec les « les valeurs françaises » (quelles qu’elles soient) ont longtemps troublé l’esprit des politiciens français. Le discours de Nicolas Sarkozy au parlement français en 2009, suivi de l’interdiction de la burqa en 2011 ont rendu parfaitement claire la position de la France envers l’islam et les femmes musulmanes : celles-ci ne sont pas les bienvenues sur le sol français.
UNE OBSESSION QUI A DÉPASSÉ SA DATE D’EXPIRATION ?
Sans aucun doute, cette obsession envers l’islam et le hijab et leur prétendue oppression devrait avoir dépassé sa date de péremption. Plus de deux ans après le début de la pandémie du coronavirus (COVID-19) au cours de laquelle le gouvernement français a obligé ses citoyens à couvrir leurs visages en public, il semble dérisoire que les hommes politiques utilisent encore les mêmes excuses en ce qui concerne l’islam. Au nom des problèmes de sécurité, de l’égalité des femmes et de l’incompatibilité de l’islam avec la laïcité française, la France tente de justifier ce qui ne peut pas être justifié. Elle manipule une notion de laïcité pour excuser le racisme institutionnel et la discrimination endémique dans le pays. Une notion de laïcité qui prétend garantir et promouvoir la neutralité des religions ; alors qu’en réalité, ce n’est qu’un moyen de cibler la femme musulmane, en exigeant qu’elle s’assimile à ce que l’homme politique français considère comme l’identité française, au risque d’être exclue de la vie publique.
Pourtant, il y a quelque chose d’intrinsèquement illogique dans un tel raisonnement. Le port du hijab est un choix que beaucoup de femmes musulmanes prennent comme forme d’expression religieuse. Elles ne pensent pas que cela met en péril leur dignité et leur liberté. Il ne menace pas non plus leur sécurité ou celle de quelqu’un d’autre. Le problème de la France avec le hijab est fondamentalement un rejet socialement et politiquement enraciné de la visibilité islamique dans la sphère publique.
Se couvrir le visage avec un masque est un moyen d’éviter la menace contre la santé. Cependant, se couvrir le visage comme une forme d’expression religieuse est considérée comme la menace elle-même. Ce qui émane des politiques antimusulmanes, à côté du racisme qui est ironiquement démasqué, est un sens d’hypocrisie et d’irrationalité. En ce qui concerne l’islam, l’application de la laïcité par le gouvernement français n’est pas celle de la séparation de la religion et de l’État. Il s’agit d’une annexion complète de la religion et de ses adeptes en dehors de la sphère publique.
Ce qui commence par l’interdiction du hijab dans le sport pourrait très facilement dégénérer en une interdiction totale du hijab. Par exemple, Zemmour tente d’ores et déjà de « renverser l’effet négatif » de l’islam sur la société française à travers son programme « Le Programme de l’Islam », visant à interdire le hijab. Une telle rhétorique fait écho à celle de Sarkozy juste avant l’interdiction de la burqa. Les deux hommes se présentent comme des « sauveurs » chargés d’une mission honorable : celle de libérer la femme musulmane voilée, jugée « opprimée » par sa religion.
UNE COURONNE SUR LA TÊTE : PAS BESOIN DE SAUVEUR
La femme musulmane n’a tout simplement pas besoin d’être sauvée. Alors que Zemmour et d'autres hommes politiques perçoivent le hijab comme un symbole d’oppression, beaucoup de femmes musulmanes le portent fièrement comme une couronne sur la tête. Et c’est particulièrement sur ce point que l'ironie atteint son paroxysme.
Tout en prétendant promouvoir les valeurs de la dignité, liberté, et égalité, il devient clair qu’une telle liberté est conditionnelle à ce qu'est la dignité de la femme selon la notion de la République. Cela revient à accepter que l’émancipation de la femme soit inextricablement liée au fait que son corps soit découvert. Cela signifie une notion de la liberté dans laquelle on oblige la femme à révéler des parties de son corps qu'elle préférerait ne pas révéler.
À cet égard, il semble pertinent de réfléchir à la devise française de « liberté, égalité, fraternité » qui constitue la base de la culture et de la société française. S'il est vrai que la France se définit par ces valeurs, peut-être le sentiment que « la France n’est plus la France » n'est pas si erroné. Un pays fondé sur la liberté n’enlèverait pas la liberté d’une femme de couvrir ses cheveux comme une forme d'expression religieuse. Un pays fondé sur l'égalité ne percevrait pas une femme qui choisit de se couvrir comme inférieure au reste de la société. Un pays fondé sur la fraternité ne tournerait pas son dos à ses citoyennes juste parce qu’elles portent le hijab. En l’absence de changement sur ce point, la France ne pourra pas être un pays fondé sur la liberté, l’égalité et la fraternité. La France ne sera alors plus la France.
Sarah is a Philosophy, Politics and Economics graduate from the University College London. She is currently studying Law and has a keen interest in human rights, with a particular interest in Middle Eastern Affairs due to her Syrian origins.