En 2019, la Cour d’appel de Versailles avait prononcé aux torts exclusifs d’une femme pour son refus d’avoir des relations intimes avec son mari. Selon la Cour, le manquement de l’épouse de son devoir conjugal était un motif de divorce pour faute. Cette affaire est cruciale : pour la première fois, une femme a déposé un recours contre la France devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), soutenue par le Collectif féministe contre le viol (CFCV) et la Fondation des femmes. La plaignante reproche à la France une ingérence dans la vie privée et une atteinte à l’intégrité physique, protégées par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour d’appel de Versailles, dont l’application du droit avait été confirmée en cassation, avait précisé que le refus de relations sexuelles pouvait être considéré comme une violation grave du devoir conjugal. Il faut noter que ce jugement contraste de manière frappante avec celui avait rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en 1990. Depuis 1992, la Cour reconnait qu’une relation sexuelle forcée entre femme et mari pourrait constituer un viol. La décision rendue par la Cour d’appel de Versailles est donc contradictoire et a d’ailleurs créé une forte polémique. Les avocates de la requérante ont estimé que la décision était moyenâgeuse : « en 2021, le mariage ne peut plus être synonyme de servitude sexuelle ».
La décision de la Cour est également surprenante d’un point de vue juridique, puisque la CEDH a déjà condamnée le Royaume-Uni en 1995 dans l’arrêt S.W. c Royaume-Uni en réfutant l’idée du « devoir conjugal.
Le droit français n’est pas explicite dans le cadre des relations sexuelles. Le « devoir conjugal » est entièrement absent du Code civil : la jurisprudence française a déduit le devoir de fidélité de l’article 212 prévoyant que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Toutefois, l’article 215 du Code civil dispose que les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. C’est cette « communauté de vie » qui contient ledit « devoir conjugal » et qui a déclenché nombres de controverses. En condamnant la plaignante, les juges de la Cour d’appel de Versailles ont donc interprété le Code civil pour prononcer leur jugement en 2019, une interprétation qualifiée de « justice patriarcale » par le Dr Emmanuelle Piet.
La plaignante espère qu’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme permettrait de garantir effectivement le respect de la vie privée et de l’intégrité physique des femmes à travers l’Europe.
Cliodhna is an Irish Law student having recently completed a BCL (Law and French) at University College Cork and an LLM (Law and Criminology) at Maastricht University.